Le Musée Robert Tatin : au-delà du simple musée, un “étrange musée”, œuvre de toute une vie
Artiste refusant d’être assigné à quelconque mouvement artistique prédéfini, Robert Tatin a passé une grande partie de sa vie à construire une œuvre inclassable elle aussi. A Cossé-le-Vivien, le site du Musée Robert Tatin a été à la fois lieu de vie, de création, et est également lieu d’exposition. Le tout dans un environnement naturel très important. D’abord céramiste, puis peintre et sculpteur, en passant par l’architecture, Robert Tatin nous a laissé une œuvre pleine de mystères.
Rencontre avec Mme Arnault, chef du service des musées et conservatrice départementale des musées mayennais.
Le Musée Robert Tatin porte le nom de l’artiste qui l’a créé, au tout début des années 60. A ce moment-là, Robert Tatin est déjà un artiste reconnu, plutôt comme céramiste. A ses 60 ans, il s’installe à Cossé-le-Vivien avec sa femme. Ils y achètent un petit corps de ferme qui devient leur maison. Autour de cette bâtisse commence à se constituer une œuvre unique : une forme d’architecture – sculpture, qu’il dénomme lui-même “archisculpture”, pleine de bas-reliefs. L’œuvre aura été en construction de 1962 jusqu’à sa mort, en 1983. Robert Tatin en parlait lui-même comme de son “étrange musée” – “l’étrange musée Robert Tatin”.
Puisque c’était d’abord une habitation… à quel moment est-ce devenu un musée ?
Cette grande œuvre devient publique en 1969. Alors que le couple vivait encore dans la maison, ils ont décidé de donner les murs et les œuvres qui étaient là à une association. L’organisation était donc assez particulière : le projet était encore en cours de création que le musée était déjà ouvert au public. Le site a ensuite été donné à la commune, puis est devenu un musée départemental en 2020.
Qu’en est-il de la localisation du musée ?
La nature environnante était très importante pour Robert Tatin. Nous participons donc aux Rendez-vous aux jardins, ce qui permet de mettre en avant l’implantation du musée dans une belle campagne.
Dans votre gestion du musée, suivez-vous des choix qui auraient été formulés par l’artiste ?
Le premier enjeu du musée Robert Tatin est de faire connaître l’œuvre de l’artiste… Mais au-delà du simple lieu d’exposition, il avait d’emblée pensé ce lieu comme un espace pouvant accueillir la création. Lui-même faisait donc déjà exposer d’autres artistes dans son musée, et il en hébergeait certains… Alors encore aujourd’hui, il y a la place pour les artistes au Musée Robert Tatin ! Nous accueillons des expositions d’artistes qui sont surtout régionaux.
Vous l’aurez compris, le Musée Robert Tatin est un site remarquable, ce qui est d’ailleurs officialisé par plusieurs labellisations. Il a en effet reçu l’appellation “Musée de France” en 2002, puis l’habitation a reçu celle de “Maison des Illustres” en 2012. Enfin, depuis 2022, l’archisculpture est protégée au titre des monuments historiques.
Les plusieurs labellisations et classements ont-ils entraîné une hausse de fréquentation ?
Je dirais qu’on a surtout gagné en diversification du public, plutôt qu’en quantité pure. Le classement aux Monuments Historiques n’a pas encore une très forte visibilité auprès du tout public… mais c’est peut-être parce que c’est tout récent.
Ce qui a vraiment apporté une hausse de fréquentation en 2022, c’est que le Musée Robert Tatin a été en liste pour le Monument préféré des Français – c’était le monument qui représentait les Pays de la Loire. Notre musée a été jusqu’en finale face aux autres régions. Finalement, il a terminé à la onzième place, mais ça a été un bon point d’appui pour notre communication.
Qu’en est-il de la conservation d’un tel lieu ? Les labellisations en ont-elles rendu la gestion plus difficile ?
Déjà, en elles-mêmes, ce sont des techniques de construction qui ne sont pas propices à la longue durée… l’œuvre demande donc un soin de conservation particulier. Il y a un enjeu de conservation constant, lié à la nature de l’archisculpture. Malgré ses coûts, la conservation est nécessaire si l’on veut continuer à mener cette œuvre loin.
On est heureux d’accueillir les visiteurs et on espère en accueillir encore plus, mais cela entraîne forcément une vigilance accrue. Le monde augmente le risque de frottements, donc d’usure. Dans des espaces comme la maison et le Jardin des Médiation, la proximité de l’œuvre est immédiate, ce sont des espaces exigus. On doit donc en moduler la fréquentation.
On comprend que finalement, le Musée Robert Tatin, c’est beaucoup de choses à la fois. De ce que vous remarquez de votre public, qu’est-ce qui l’attire en général ?
On constate que ce qui attire beaucoup, c’est le caractère insolite, « étrange » de Robert Tatin. Cela peut paraître surprenant ! Souvent, une simple image croisée sur les réseaux sociaux peut suffire pour qui attiser la curiosité et motiver les gens à venir. Une fois sur place, les visiteurs découvrent le reste, notamment les œuvres peintes, qui sont moins relayées.
Est-il possible de voir des œuvres de Tatin ailleurs que chez vous ?
Hors du musée Robert Tatin, on peut compter sur les doigts de la main ses œuvres qui sont dans des collections publiques. Beaucoup d’œuvres sont aux mains de collectionneurs privés : Robert Tatin a énormément produit, mais il vendait beaucoup pour vivre… On a tout de même la chance de parvenir à enrichir notre collection : on reçoit régulièrement des dons.
Même si certains travaux de Robert Tatin ne sont pas sur le site de Cossé-le-Vivien, ce qu’on ne verra jamais ailleurs, c’est l’archisculpture.
Que ce soit pour découvrir le vaste travail de Robert Tatin (à travers ses archisculptures, ses Géants, son Jardin des Méditations, ses peintures), comme pour profiter des expositions temporaires ou des jardins, le musée est ouvert toute l’année. Pour profiter d’une expérience encore plus insolite, l’équipe du musée travaille chaque année à quelques grands temps forts : la Nuit des musées, les Rendez-vous aux jardins et les Journées du patrimoine.
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...